Enfin, j'ai eu à  relater un drame assez pénible. Le père d'un camarade, Pierre Tudury, a été  blessé grièvement, d'un coup de corne, par un bœuf en furie, échappé de  l'abattoir. Un autre drame, plus grave, a endeuillé le village. Le fils du  professeur Leblanc, doyen de la faculté de médecine d'Alger, s'est tué ans un  accident d'avion. Le petit appareil qu'il pilotait s'est écrasé tout près de  l'embouchure du Hamiz, ce petit fleuve situé au sud de la commune. Cette mort a  causé une grande émotion dans la région d'Alger. Connaissant le jeune pilote,  qui avait été comme moi élève au collège de Maison-Carrée, j'ai été  particulièrement touché par cet événement.
  
  
   
  Le travail de secrétaire de mairie me plaisait. J'y ai appris beaucoup de choses. D'abord le contact avec le public, puis le travail de bureau (correspondance administrative, état civil ,comptes rendus des séances du Conseil municipal, comptabilité, etc.) J'ai débuté, au  temps de l'ancienne mairie, dans un local vétuste, attenant à l'école des  filles et ne sachant rien du métier. 
  
     Heureusement que le secrétaire général Mr  Karr, un retraité de l'armée me traitait comme son fils. Il me mit vite au  courant des affaires de la mairie. Comme matériel il n'y avait qu'une vieille machine  à écrire Underwood. Je dus patiemment apprendre le métier de dactylo qui m'a  beaucoup servi dans la vie, surtout plus tard, avec l'informatique qui a tout  bouleversé, sauf le vieux clavier Azerty.
  
   
  C'est dans cette période que le nouveau maire Eugène Rosfelder lança son projet de lotissement d'Alger-Plage, sur les terres sablonneuses du bord de mer entre le Hamiz et les ruines romaines de Rusgunium. Je dus me familiariser avec les règles d'urbanisme pour accorder les permis de construire. Je peux dire que j'ai assisté très directement à l'essor de cette magnifique station balnéaire qui transforma le Cap.
     Mais ce dont je me souviens surtout de la  mairie du Cap c'est de mon premier salaire : 300 anciens francs par mois. A la  suite de la crise de 1929, la situation financière de la France n'était pas  brillante .Le gouvernement Laval avait dû avoir recours aux décrets-lois pour diminuer  de 10% les dépenses de l'état. Cela touchait surtout les fonctionnaires, donc  mon faible salaire de 300 anciens francs par mois.
Cette mesure impopulaire  je l'ai d'autant plus ressentie, que j'étais chargé comme comptable à la mairie  d'opérer la réduction de 10% sur les salaires des employés municipaux. 
  
   Cette  mesure me semblait d'autant plus injuste qu'elle touchait aussi la dérisoire  retraite du combattant de mon père.
       Voilà ce qu'on  appellerait aujourd'hui une politique de rigueur!
       A ce moment, je crois que  j'ai pris conscience de ma situation précaire. J'ai alors décidé de changer mon  destin. C'est l'Université Populaire qui m'en a offert l'occasion


